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Pour quelques poignées de milles en plus

03.07.2003

Pas de vraies nouvelles depuis Ålesund. On s'en excuse, mais pas de connections à disposition...

En face d'Ålesund, Giske, que l'on peut rejoindre en quelques coups de rame, ou alors avec des voitures, en passant par les ponts et tunnels qui relient toutes les îles de la baie. Pas à dire, pour creuser sous la montagne, ils sont aussi forts que les Suisses! Mais en plus, ils creusent sous la mer... Où s'arrêteront-ils?

A Giske, nous arrivons pile à l'heure pour aller au théâtre. A l'entrée, la vue de nos épées et de nos costumes nous fait entrer gratuitement. Le public est assis sur des gradins en amphithéâtre; la scène, en avant-plan, représente une place de village, en arrière-plan, l'intérieur d'une grande maison, faite de rondins.

Toute l'île participe à cette commémoration de l'histoire locale, à commencer par 150 acteurs-figurants, donnant de belles images colorées, puis les costumières, éclairagistes, preneurs de son, cuisinier, régulateurs de circulation, metteur en scène et tout le reste.

La pièce nous parle de la famille Arneson, puissant lignage qui aida Harad aux Beaux Cheveux à monter sur le trône de Norvège, le premier à rassembler le Nord et le Sud sous la même couronne.

Quand les différents Olaf, Trygvason et le Saint, entreprirent de christianiser le royaume à grands coups d'épée, tuant méthodiquement tous les récalcitrants au baptême, la famille Arneson est encore à leur côté. Leur lignage donnera quelques noms bien connus, comme un certain Rolf, maître de la Normandie, tellement énorme que les chevaux ne pouvait le porter, ainsi qu'un certain Guillaume le Conquérant...

Quel plaisir que de se fondre pour un temps dans une masse de gens en costume, à notre place dans cette célébration du passé. A la fin de la dernière représentation, nous nous retrouvons sur la place du village à faire un peu de musique, devant un peu plus 700 personnes, notre plus nombreux public depuis le départ...

Repartir de l'île a pris quelques temps: invitations, le feu de Midsommer, les vents contraires ou l'absence de vent...

La "Midsommer" - nos feux de la St-Jean - rassemble à nouveau toute l'île. A la demande généralisée, nous jouons à nouveau, sur la colline qui domine l'énorme feu. Mon renard fait une indigestion de pièces et de billets comme jamais, nous fournissant largement de quoi aller jusqu'à Bergen.

Avant le départ, nous recevons une pharmacie, des combis réchauffantes, à enfiler après un bain involontaire dans l'eau froide, des combinaisons de survie, le top du top. Une fois enfilée, on peut passer des heures dans l'eau glacée, en flottant et sans craindre le froid. Merci encore, même si on espère n'avoir jamais besoin d'utiliser tout ce matos!!

Nous attendons le bon vent pour nous remettre en route, car la prochaine étape est Statlandet, la partie la plus terrible de toutes les côtes norvégiennes: des vagues énormes qui viennent de tous le côtés en même temps, des falaises qui plongent à pic dans l'eau, aucun abri possible pendant des dizaines de kilomètres...

Avec une bonne brise, nous passons sans encombre, pour nous retrouver de l'autre côté du passage difficile vers minuit, au coucher de soleil. Le vent tombe, et c'est parti pour dix milles de rame pour rejoindre Selje et son sanctuaire, abandonné depuis des siècles!
Les ruines du monastère, l'ambiance de calme et l'absence de bipèdes font que je ne peux résister à passer la nuit dans ce qui fut jadis l'ancienne église, juste derrière l'autel. J'y dors d'un sommeil profond, ne me réveillant même pas lorsqu'un groupe passe par là pour faire la visite, le guide faisant son commentaire!

Cette petite île a connu son heure de gloire entre les Xe et XIIIe siècles, avec l'invention de Ste Sunniva. Cette demoiselle, irlandaise, fuit la verte Erin, refusant le mariage avec un roi viking. Avec ses suivants, elle embarque sur des bateaux sans mât, sans voile et sans rame, traversant la manche ou contournant l'Ecosse, traversant ensuite la Mer du Nord, pour atterrir sur les côtes norvégiennes.

Trouvant l'île à leur goût, ils s'y installent, dans une grotte, vivant des moutons qui paissent dans les alentours. Mais quand les propriétaires des moutons repassent sur l'île, et s'apercoivent de la diminution du cheptel, ils font appel au roi local pour chasser les intrus.

Réfugiés au fond de la grotte, Sunniva prie Dieu pour ne pas être pris vivants, voeux éxcaucé par l'effondrement de l'entrée de la grotte, qui les y emmure pour l'éternité.

En 996, Le roi Olaf Trygvason, accompagné de son évêque, passe par l'île et découvre un crâne phosphorscent: lumière dans l'obscurité de ce qui reste de la grotte. Le saisissant, ils découvrent, non loin de là, les restes de Sunniva, le corps intact, non décomposé, répandant un doux parfum aux alentours.

Ni une, ni deux, voilà la demoiselle béatifiée, créant ainsi un lieu de pèlerinage parfaitement bien situé, à mi-chemin entre Bergen et Nidaros (Trondheim), les deux cités les plus importantes de l'époque. Un monastère bénédictin prospère ainsi à Selje, grâce aux reliques de Sainte Sunniva, jusqu'à l'arrivée de la peste au XIVe siècle. La communauté ne se remettra jamais de la perte de la moitié de sa communauté. Les reliques lui sont retirées pour partir à Bergen, puis la Réforme ferme définitivement l'établissement, qui tombe alors en ruine au fil des siècles.

Reprenant la mer, nous arrivons bientôt à Florø, ville admirablement située dans une magnifique baie naturelle. La petite ville a été créée à la fin du XIXe s., sur décret royal. La pêche a bien sûr été le moteur principal de l'agglomération, jusque dans les années 60 du siècle passé, lors de la mise en exploitation des gisements pétroliers. Une importante partie de la population active dépend maintenant de l'huile de roche.

Laissant "Fenrir" à Florø, nous partons en stop en direction d'Urnes, village où se trouve une de ces magnifiques églises de bois à colonne. Située à près de 200 km de là, elle a donné son nom à un style d'entrelacs.

La chance est avec nous: en trois voitures, nous sommes rendus, et le professeur à la retraite qui nous conduit tient absolument à nous ramener à bon port après la visite. Encore merci!

L'église est tout en bois, l'extérieur orné de lions enserrés de serpents, le bien entouré du mal. L'intérieur a été magnifique, mais il est maintenant défiguré par des ajouts baroques, d'horribles angelots joufflus partout. La Réforme, pourtant éclairée à certains niveaux, n'a pas fait très fort! L'église est soutenue par une demi-douzaine de solides colonnes de bois. L'une de celle-ci est sculptée à l'image de Marie. Et les Réformateurs, n'aimant point cette image féminine, ont simplement coupé la colonne!

Evidemment, au fil des ans, l'église, déséquilibrée, commence à s'effondrer, un travail de consolidation au goût douteux permet d'éviter la catastrophe et l'effondrement complet de l´édifice. La statue se trouve aussi à Bergen, avec Sunniva.

Nous nous remettons en route et nous explosons le record de distance parcouru en une journée, faisant près de 100 kilomètres, nous retrouvant à une trentaine de milles de Bergen. La journée suivante, le vent n'est pas terrrible; aussi, nous ramons beaucoup, pour arriver à bergen à deux heures du matin, un peu moulus, mais contents.

Quelques jours de pause dans cette ville, qui me semble des plus ravissantes au premier abord. Elle a la réputation d'être la plus pluvieuse de Norvège mais, pour l'instant, il fait beau et chaud.

Combien de temps pour trouver un passage vers le nord de l'Ecosse? L'avenir nous le dira.

Tout de bon, cher tous. Profitez bien de l'été et amusez-vous bien!
François et Julien

 

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